Sunday, April 07, 2024

Julius Evola voulait spiritualiser le fascisme

 





Julius Evola, après avoir publié en 1936 "Le Mythe du Sang", une histoire du racialisme depuis l'Antiquité, un examen objectif des principales théories raciales du XVIIIe siècle à son époque, n'allait pas en rester là : "Synthèse de doctrine de la race", édité en 1941, se veut le prolongement "à la fois critique et constructif' du "Mythe du Sang". Si l'un et l'autre parurent chez le même éditeur, il est bon de souligner que le premier est un ouvrage de commande, tandis que l'idée du second vient d'Evola lui-même. Pour justifier son initiative, il invoque deux raisons majeures, qui sont liées à la situation du racialisme en Italie : d'une part, l'intégration offiielle de la doctrine de la race à l'idéologie fasciste, et, d'autre part, l'atomisation du concept de race en une multitude de doctrines, toutes d'orientation plus on moins biologique, qui, en prêtant le flanc aux critiques des adversaires, discréditent le racialisme et, donc, le Fascisme, puisque, pour Evola, il est clair que le racialisme constitue un "instrument", une "puissance" du Fascisme. D'où l'impérieuse nécessité d'une formulation "complète et cohérente" de la doctrine de la race. Il en trouve les principes dans l'enseignement traditionnel, dont il avait pris connaissance une dizaine d'années plus tôt à la lecture de l’œuvre de René Guénon. Selon cet enseignement, l'homme est un être tripartite : corps, âme et esprit, sachant que l'élément corporel comprend, outre la partie matérielle de l'être humain, l'hérédité et que l'élément spirituel, loin d'être l'intellect abstrait et analytique des modernes, constitue ce que Guénon appelle l' "intuition intellectuelle", principe supra-rationnel de la connaissance métaphysique. C'est donc, pour ainsi dire, tout naturellement qu'a dû s'imposer à Evola la doctrine des trois degrés de la race. ...

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Friday, March 29, 2024

Le judaïsme moderne : un agglomérat de sectes endogames qui n’ont plus rien à avoir avec les Hébreux classiques

 


Francis Cousin déconstruit la mythologie du judaïsme moderne : un agglomérat de sectes endogames qui n’ont plus rien à avoir avec les Hébreux classiques.

"Francis Cousin est un écrivant et philo-analyste français, intimement attaché à l'histoire de la philosophie. Il est Docteur en Philosophie et titulaire d'un DEA d'Histoire de la Philosophie
 (Idéologies, Mythes, Religions et Sciences du signe)."

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On peut ne pas partager "les positions politiques de Léon tout en rendant hommage à ce qu'elles recélaient de clairvoyance et de courage. D'un autre côté, je n'aime pas beaucoup le terme « matérialiste » dont Marx ne se servit jamais pour désigner sa position dans le domaine de l'analyse socio-historique et qui est très équivoque. Mais l'histoire de la sémantique idéologique depuis un siècle et demi ne nous en fournit pas de meilleur - à ma connaissance – pour désigner ce qui s'oppose à l'idéalisme historique. Je préférerais encore le terme « marxiste », mais il faudrait aussitôt préciser en excluant vingt types de marxisme mythificateur. 

Quoi qu'il en soit des mots, il faut voir ce qu'ils recouvrent. On peut aussi ne pas souscrire à tous les aspects de l'orientation idéologique de Léon. Il reste que peuvent être d'accord avec lui sur l'essentiel tous ceux qui veulent penser la condition juive, dans sa structure et son devenir, autrement qu'en recourant aux mythes d'un nationalisme idéaliste. 

Essayons de définir un peu plus précisément cette position commune, qui se situe dans la ligne de Marx. Si le « problème juif » est le lieu privilégié du délire idéologique, il offre aussi peut-être un terrain privilégié pour délimiter, plus clairement qu'ailleurs, ce qui constitue cette position et ce qui définit celle de ses adversaires. La plupart des ethnies, peuples et nations dont traite l'histoire ont en effet eu, depuis ou pendant de longs siècles, une existence inscrite dans des données concrètes, toujours les mêmes, durables, stables, voire permanentes : communauté de territoire, de langue, d'histoire, de culture, etc. Le plus idéaliste des théoriciens ne peut pas ne pas tenir compte de cette base matérielle solide. Celle-ci impose au moins des limites assez strictes à la théorisation idéaliste. Au contraire, la catégorie des juifs s'est définie au cours des millénaires par des critères constamment différents. 

Pendant la plus grande partie de cette durée historique, les bases concrètes dont il a été question lui ont manqué. On a pu, - à juste titre à mon avis – lui dénier la qualité d'ethnie, de peuple, de nation au sens plein des termes pendant deux mille ans. Qui plus est, la catégorie en question pouvait être définie de différentes façons, vue de l'intérieur ou vue de l'extérieur. D'ardentes et obscures discussions ont pu se dérouler, chez les juifs, leurs ennemis et leurs amis, pour déterminer « qui est juif ? », la plupart du temps sans conclusion nette. Cette ambiguïté laissait un champ particulièrement favorable à la théorisation idéaliste. On peut qualifier d'idéaliste évidemment toute théorie qui postule l'existence d'un peuple juif comme nécessité ou comme norme. 

En effet, comme nul n'envisage par exemple la destruction radicale des bases objectives du peuple français (langue, histoire, culture, territoires, etc. communs), malgré tous les problèmes que pose sa délimitation, nul ne songe à détacher complètement son existence de ces bases, à y voir une nécessité transcendante ou un impératif catégorique pur. 

Au contraire, du fait que les bases concrètes d'une entité juive ont varié à travers les âges et qu'à plusieurs reprises elles ont été toutes prêtes de manquer totalement, que cette entité a failli plusieurs fois se dissoudre, la nécessité de sa perpétuation ne peut être déduite que d'une volonté a priori de l'histoire hypostasiée ou d'une obligation morale prête à s'imposer, le cas échéant, aux circonstances contraires.

Le caractère protéiforme de l'entité juive objectivement existante à différentes époques conduit normalement, si on postule la nécessité de sa perpétuation à travers l'histoire, à rechercher un substratum commun à ces diverses formes de son existence, substratum dépourvu des bases objectives énumérées ci-dessus, autrement dit à lui attribuer une essence. Le caractère nécessaire qu'on lui décerne conduit à refuser de la soumettre aux lois ordinaires de l'histoire.

Ainsi aboutit-on aux différentes conceptions de l'histoire juive que l'on peut appeler nationalistes téléologiques. Une des fins de l'histoire serait de conserver l'existence du peuple juif en dépit de toutes les lois historiques si cette transgression est nécessaire pour assurer cette fin. Cela apparaît même dans la conception la mieux disposée à prendre en considération l'ensemble des facteurs objectifs, la théorie de l'érudit et malheureux Simon Doubnov. Celui-ci critique à juste titre la conception théologique et la conception spiritualiste, cette dernière réduisant l'histoire juive à la persécution et à l'effort de création intellectuel. Avec raison, Doubnov pose que « durant toute leur histoire, dans les différents pays où ils ont vécu, les juifs ont forgé activement non seulement leur vie spirituelle, mais aussi leur vie sociale ». Ce point de vue fécond lui fait découvrir des perspectives intéressantes et rejeter des thèses liées à un pur idéalisme dépassé par l'évolution de l'historiographie dans d'autres domaines. Par exemple, dans les « sectes » du judaïsme à l'époque hellénistique et romaine (Pharisiens, Sadducéens, Esséniens, etc.), il voit moins des groupements constitués autour de clivages théologiques que des partis politico-religieux ayant des options différentes sur les problèmes politiques et sociaux, ces divergences s'exprimant aussi sur le plan idéologique par des thèses théologiques contradictoires. C'est là un point de vue adopté dans d'autres domaines par les historiens et dont l'idéologie d'une part, le « provincialisme » des études extra-européennes d'autre part ont empêché la généralisation dans ces études. Mais, avec tous ses mérites et malgré qu'il assure ne pas vouloir « évaluer les événements historiques dans un esprit nationaliste », posant qu'il lui semble « possible de reconnaître le peuple juif comme le créateur de sa propre destinée tout en condamnant les excroissances extrêmistes de la doctrine nationaliste ou en ne les justifiant qu'à titre d'auto-défense », Doubnov retombe dans l'idéalisme par sa– conception de la « nation juive » comme un « organisme vivant » soumis aux lois de l'évolution. Il postule que « dans la période diasporique de leur histoire tout comme à la période antérieure où ils formaient un État, les juifs étaient une nation distincte et non seulement un groupe religieux parmi les nations ». Cet organicisme nationaliste le précipite aussitôt dans maintes distorsions analogues à celles que son sociologisme lui avait fait éviter. Assurément, c'est un grand progrès que de considérer que le peuple juif dans l’Antiquité, indépendant, « protégé » ou dispersé, ne vivait pas seulement de la contemplation de l’idée monothéiste ; que les communautés juives de la Diaspora médiévale ou moderne n'étaient pas purs sujets de vie intellectuelle ou purs objets de persécution. Assurément on doit reconnaître avec Doubnov qu'en ces entités diverses se manifestait la tendance générale des groupements sociaux à persister dans leur être, ajoutons à défendre leurs intérêts et leurs aspirations, à défendre ou à étendre les avantages dont ils disposent. Mais ceci vaut pour ces groupements en eux-mêmes, non pour l'organisme mythique qui les intégrerait en une entité continue transhistorique. Si la continuité historique de ces différentes formations est évidente, si les unes se forment sur les résidus de celles qui dépérissent et meurent, il ne s'ensuit pas qu'elle soit nécessaire, autrement dit que ces entités ne soient que les manifestations, les incarnations d'une réalité transhistorique, le « peuple juif éternel » cherchant à s'affirmer sous différentes formes à travers les siècles, poussé par une nécessité interne comme les organismes vivants à croître, à mûrir (et peut-être à mourir ?). Comme l'a bien vu un autre grand historien des juifs à perspectives synthétiques, Salo W. Baron, le positiviste Doubnov se range ainsi avec les historiens idéalistes qu'il critique. La primauté qu'il accorde comme Ahad Haam, autre positiviste – à ce facteur interne, cette « sorte de volonté nationale autonome qui aurait été la force motrice pour façonner les destinées du peuple et qui, dans l'intérêt suprême de l’auto-conservation nationale, aurait fait tous les efforts d'adaptation nécessaires exigés suivant les différentes régions ou les différentes époques » fait de sa doctrine une simple variante de la conception humaniste des historiens juifs du XIXe siècle. Selon cette conception (celle de Graetz par exemple) « l'esprit du judaïsme » prend la place de Dieu comme facteur déterminant, et l’histoire juive consisterait en « la progression graduelle de l'esprit juif national ou religieux dans ses vicissitudes diverses et ses ajustements variés à divers milieux ». Mais S. W. Baron, si lucide en face de Doubnov, tombe lui-méme encore une fois dans l'idéalisme nationaliste. Sa démarche « socio-religieuse », où la religion ne prend une place exceptionnelle parmi les facteurs sociaux qu'à cause de la situation exceptionnelle des juifs dans la Diaspora, représente elle aussi un grand progrès. Nul ne peut nier ce rôle exceptionnel de l'idéologie religieuse dans des communautés dispersées dont elle était le principal lien. Mais la recherche d'un facteur unificateur dans l'histoire juive conduit aussi S. W. Baron à postuler la nécessité de l’enchaînement des incarnations successives de la judéité, à rechercher son secret dans le caractère particulier de la religion juive – religion historique selon sa définition5. Dès lors la religion juive se trouve non seulement mise en relief ce qui serait légitime, mais posée en facteur inconditionné, détaché de cette vie réelle des communautés et des formations nationales juives à laquelle pourtant Baron accorde tellement d'attention. ...


Thursday, April 05, 2018

Livre bleu n°2



Contrôle du comportement par ondes électromagnétiques
de Felix et son Collectif

Les poissons d'un aquarium de Singapour sont équipés d'un implant RFID. La technologie doit permettre aux visiteurs d'identifier les différentes espèces. Des informations sont stockées dans les puces RFID, elles sont ensuite décodées par un lecteur. C'est ce qu'ont fait les gérants de l'aquarium « Underwater World », à Singapour, dans le parc d'attractions situé sur l'île de Sentosa. Quand un poisson équipé de la puce passe devant le lecteur, les visiteurs voeint apparaître les informations concernant l'animal sur un écran : son nom, son espèce, ses habitudes de vie.

Attention !!! Si vous vous faites implanter une puce RFID, et si les relais de téléphonie mobile sont des lecteurs, c'est vous qui serez le poisson dans l'aquarium.


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Saturday, December 16, 2006

La mystérieuse congrégation


Quelle étonnante présentation ! La congrégation installée au château de la Modtais, à côté de Blou dans le Maine et Loire, n’est pas bouddhiste. Il s’agit de la congrégation bönpo de Shenten Dargyé Ling. 

La nuance est de taille. Dans le N° 108 de la revue Autrement, le Tibétain Samten Karmay, guéshé bönpo et directeur de recherches au CNRS, écrit :

" Les bouddhistes ont toujours cherché à convertir les bönpos. Dans la première moitié du 20ème siècle, le lama guélougpa, Phabong Khawa Déchèn Nyingpo (1848-1941), importante incarnation du monastère de Séra, au Tibet central, a eu une très importante activité missionnaire envers la population bönpo de la région de Hor (appelée actuellement Bachèn), et celle de Khyoungpo, au Khams. Une histoire très connue raconte qu’un jour il dut se rendre dans un lieu bönpo – dont j’ai oublié le nom. Pour quitter la région, il traversa une rivière. Arrivé sur l’autre rive, il s’assit au bord de l’eau pour se laver les pieds, en disant que cela était nécessaire car il venait de se rendre sur des terres bönpos. "

Le quatorzième Dalaï-lama en reconnaissant les bönpos a fait un habile calcul politique. Au Tibet, les Chinois ne sont pas les génocidaires dépeints par la propagande occidentale. Depuis le départ des exploiteurs (nobles et hiérarques religieux), la condition du peuple tibétain s’est considérablement améliorée. En outre, les Chinois ont même participé financièrement à l’édition du canon bönpo ; ce qui n’aurait pas été possible sous le règne des dalaï-lamas. Devant l’attitude des Chinois, le 14ème dalaï-lama devait affirmer son leadership en coiffant la tiare du Bön et en reconnaissant cette tradition comme la cinquième école religieuse du Tibet. En contrepartie, le 33ème Abbé de Menri, Sa Sainteté Lounktok Tenpei Nyima, pouvait financer les travaux d'agrandissement de son monastère grâce à l’argent du dalaï-lama.
Dans le reportage, Cornu exhorte à étudier et à pratiquer. En matière de spiritualité, il est très imprudent de suivre de telles recommandations sans bien connaître les enseignants et leur degré de réalisation spirituelle. 

Les rivalités, les commérages et le mercantilisme sont les marques les plus apparentes de la contre-tradition. Or, le groupe de pratiquants du néo-bön a toujours était secoué par des conflits de personnalités. Il y a quelques années, des responsables occidentaux de ce courant en arrivèrent aux mains… 

L’Absolu rend humble. Un processus spirituel valable est très différent de ce que propose Cornu. C’est avec la découverte d’une sorte de simplicité intrinsèque que débute la véritable voie. L’adepte est conduit par la Docte Ignorance, la lumière du cœur, qui ne se trouve ni dans les textes ni dans les paroles d’érudits.
Le néo-bön et le néo-bouddhisme participent à un spiritualisme mondial ambigu.

Saturday, October 14, 2006

Tucci au Tibet



En 1935, le professeur Giuseppe Tucci parcourt le Tibet Occidental, l’ancien royaume indépendant du Zhang zhung. Les observations de l’explorateur Italien corroborent l’extraordinaire déclaration de Trungpa, lama sans langue de bois, qui disait au sujet du Tibet de son enfance : " Plus personne ne pratiquait réellement, c’était une grosse arnaque. Pas étonnant que les communistes aient décidé de prendre le pouvoir, ils avaient raison de ce point de vue […]."


Les 28-30 juin 1935, le professeur Tucci est à Taklakot, il écrit :

" Par nature, le Tibétain est un commerçant ; il cherche à tirer profit de la plus petite bagatelle et, il faut bien l’avouer, les meilleurs marchands sont les prêtres. Aussi de nombreux moines abandonnent l’oisiveté du monastère pour se lancer dans l’aventure du commerce. […]


Mais ce n’est pas dans les monastères que se perpétuent les trésors spirituels de l’expérience bouddhiste : le symbolisme du rite auquel nous avons assisté fut imaginé par des ascètes inconnus afin d’évoquer chez l’initié des renaissances libératrices. La cérémonie, à laquelle ne prenaient part à l’origine que le maître et le disciple, prédisposait à une lente ascension vers des états spirituels de plus en plus élevés. Mais, par la suite, transférée au sein de l’immense communauté religieuse, elle perdit petit à petit sa signification symbolique et son efficacité psychologique ; le rite initiatique et ésotérique évolua vers une forme souvent vide de contenu. Une déchéance semblable à celle qui ruina la vie politique du pays se reflète dans la vie religieuse : aux anciennes ardeurs mystiques, qui firent de ces contrées un des pays les plus renommés dans l’histoire du bouddhisme, s’est substitué le culte aveugle de la forme pour la forme. Même le temple que nous visitons est triste, sale et mal entretenu ; les peintures religieuses sont entassées en vrac, déchirées et crasseuses. Les livres sont rares ; enroulés dans des bouts d’étoffes poussiéreuses, nul ne les ouvre ni ne les lit et ne saurait davantage en comprendre le sens. Les mœurs aussi sont quelque peu relâchées ; les moines de la secte jaune doivent respecter scrupuleusement les vœux de chasteté, de ne pas manger de viande, ni boire d’alcool. Mais ceux des différentes sectes rouges, tels les Sakyapa qui vivent dans ce monastère, sont moins orthodoxes. Les occasions de fauter ne manque pas. Les couvents des nonnes sont presque toujours adossés à ceux des moines et les religieuses souvent très jeunes et très gracieuses. Elles sont préposées au service des monastères, portent l’eau, préparent les repas, nettoient, vont et viennent librement. "





Kantze, le 30 juin 1935.
Tucci remarque l’extrême pauvreté des habitants.



Taklakot, le 3 juillet 1935 :


" D’une manière générale, les prix des objets sacrés me semblent moins élevés dans cette région que dans les autres, peut être parce que la mauvaise administration des préfets a tellement appauvri la population qu’elle ne veut pas perdre l’occasion de faire un bénéfice, aussi petit soit-il. Comme toujours les moines refusent les pièces tibétaines et veulent être payés en monnaie indienne ou en thalers chinois, ou encore en compani du Népal. Plus d’une fois, les mendiants ont dédaigné l’aumône en monnaie tibétaine. La crise monétaire de Lhasa est très grave : on en ressent les répercussions jusque dans ces contrées lointaines. "


Tchiu, le 10 juillet 1935 :


" Le monastère de Tchiu se dresse comme un fortin sur une colline escarpée au bord de l’eau : des murailles écroulées, des petits murs de pierres sèches servant d’enclos pour les troupeaux, deux chapelles peintes en rouge, trois tchörten, une atmosphère de pauvreté, de saleté et d’abandon. Le monastère qui appartient à la secte Drukpa est entretenu par un moine dont les occupations sont à la fois sacrées et profanes. Il récite des prières dans son temple et cherche à s’enrichir par le négoce ; il a femme et enfants et enseigne à deux ou trois moinillons la liturgie et l’art du commerce. "


Langpona, le 11 juillet 1935 :

" Le monastère de Langpona appartient lui aussi à la secte Drukpa et plus exactement à un lama incarné qui réside au gompa de Khorzog, dans le district du Rupshu ; on dit de lui qu’il est doté de nombreux pouvoirs magiques et qu’il est très doué pour le commerce. "


Barkha, le 20 juillet 1935 :

" Nous campons à Barkha où se trouve une maison et de nombreuses tentes. La maison est habitée par le Targium et ses soldats, sorte de sous-préfet chargé surtout de faire respecter l’ordre ; un second se trouve à Tokchen, à l’est du Manasarovar. "


" Hier au soir, ils ont justement arrêté quatre brigands. Deux d’entre eux se sont enfuis pendant la nuit en pratiquant une ouverture dans le toit de la prison et les deux autres ont eu droit à un procès. Le magistrat a convoqué les notables, les fonctionnaires et les soldats ; ni l’habillement, ni les traits du visage ne permettent de distinguer ces derniers des brigands. L’acte d’accusation n’est suivi d’aucune défense mais d’un interminable panégyrique de vertu qui fait couler de chaudes larmes de repentir sur ces visages patibulaires et pour finir deux cents coups de fouet sont infligés aux coupables. Le butin confisqué n’est pas restitué et part enrichir les profits du préfet de police. "


Toling, le 18 août 1935 :


"Abbé et tchagdzö (administrateur) vivent dans l’enceinte même du monastère, sous le même toit. L’un donne des ordres, l’autre médite ; l’administrateur s’agenouille devant l’abbé et, quand il s’adresse à lui, c’est avec toute la finesse du style honorifique : " joyau parmi les maîtres, océan de sagesse, seigneur suprême ", mais en fait, il agit comme bon lui semble et ne tolère aucune ingérence du pouvoir spirituel dans ses affaires. "


" Au cours de mes longues haltes à Toling, j’ai pu réaliser combien l’antagonisme est violent entre ces deux hommes, à tel point que l’un suspecte continuellement l’autre et le fait surveiller par des serviteurs de confiance qui excitent les rivalités, font courir des bruits, épient et dénoncent. Une atmosphère d’hypocrisie se dégage du monastère mais le tyran est, sans l’ombre d’un doute, l’administrateur avide d’argent et d’autorité, sans culture ni scrupules, et naturellement jaloux du prestige que, malgré tout, sagesse et vertu confèrent à l’abbé qui lui, vit dans une terreur presque constante de l’autre. "


Piang Dunkar, le 25 août 1935 :


" Ici, vivait un peuple fervent, des âmes nobles, ivres de renaissances mystiques, qui s’élevaient jusqu’au sublime grâce à des ascèses et des contemplations ; des artistes qui savaient créer des œuvres dignes d’être comparées aux plus grands chefs-d’œuvre de l’Orient, des rois pieux sous le règne desquels le pays prospéra et s’ennoblit. Aujourd’hui, non seulement tout signe de vie a disparu, non seulement les sables et le silence du désert engloutissent et détruisent les dernières œuvres de l’homme, mais encore la déchéance a pris possession de l’âme des rares survivants ; je dirais même que, comme toujours, la mort de l’esprit a précédé celle des choses. "


Le récit du professeur Tucci, publié en 1937, rejette catégoriquement le mythe du peuple tibétain vivant heureux avant l'invasion chinoise. Pour en savoir plus : " Le mythe du Tibet ", Michaël Parenti.

"SADHUS et BRIGANDS du KAILASH" de Giuseppe TUCCI, Editions R. Chabaud.
Critique du lamaïsme et du servage.

Monday, August 28, 2006

Christelle MOEBS

L'ancien royaume du Zhangzhung et sa culture nous relient au monde iranien antique. Les spécialistes des religions débusquent aisément des survivances du mazdéisme dans la religion bön. Loin de se limiter au chamanisme, le bön a-t-il hérité d'une partie de la sagesse de l'ancienne Perse ?
Henri CORBIN, a consacré de nombreux travaux au philosophe iranien SOHRAWARDI mort à l'âge de 36 ans, exécuté dans la citadelle d'Alep sur l'ordre du pouvoir sunnite en 1191. L'oeuvre de SOHRAWARDI, fait se rejoindre les noms de PLATON et de ZOROASTRE et redécouvre la sagesse des anciens Perses. "C'est leur précieuse théosophie de la Lumière, celle-là même dont témoigne l'expérience mystique de PLATON et de ses prédécesseurs, que nous avons ressuscitée dans notre livre...", écrit SOHRAWARDI.
La tradition orale du Zhangzhung, "Zhangzhung Nyen Gyud", transmet une "philosophie" non-dualiste digne de PLOTIN.

Christelle MOEBS connait bien l'Inde. Après plusieurs séjours dans les communautés tibétaines de l'Himachal Pradesh, notamment de Dharamsala, elle a appronfondi sa connaissance du tibétain. L'étude qu'elle présente dans ce blog ne s'égare pas dans des comparaisons risquées de doctrines philosophiques. Elle nous propose une approche historique, culturelle et religieuse du Zhangzhung, royaume indépendant d'Asie centrale annexé par les armées tibétaines au 8ème siècle.
Zhang zhung 1
Zhang zhung 2

Friday, August 25, 2006

Zhangzhung : l'origine du Bon ... en quête d'origines !

Souvent situé à l'ouest du Tibet autour du Mont Kailash, parfois jusqu'au Changthang, voire relié à l'Est, le Zhangzhung est aussi le théâtre du Bön et de cultes anciens. Ayant peine à extraire une réalité géographico-politique des chroniques teintées de légendes, les chercheurs tentent encore de recouper ethnologie, philologie et archéologie avec la maigre historiographie ''objective'' et les mythes foisonnants, bonpos ou ancestraux.

G. URAY raconte que "traditionnellement, les historiens bonpos maintiennent que le Bon a d'abord été introduite par gshen-rab lui-même lors de sa visite au Tibet. Ils disent aussi que les disciples de Mu-cho Idem-drug, le disciple de gshen-rab, apporta ses enseignements au Zhangzhung où des traductions de textes religieux furent exécutées d'abord en langue du Zhangzhung puis en tibétain. La tradition soutient que le Zhangzhung était constitué de 3 régions :
  • l'extérieure, sGo-ba : correspond à ce qu'on pourrait appeler le Tibet occidental, depuis le Gilgit à l'Ouest, jusqu'à Dangs-ra khyung-rdzong à l'Est, près du lac gNam-mtsho', et de Khotan au Nord à chaumai brgyad-cu rtsa-gnyis au Sud;
  • l'intérieure, Phug-pa : réputée correspondre au sTag-gzig (Tazig);
  • et l'intermédiaire, Bar-ba : rGya-mkhar bar-chod, un lieu non encore identifié.
    Tandis que nous ignorons si le Zhangzhung a jamais couvert une telle surface, nous sommes certains qu'il était un royaume indépendant sur les terres de l'actuel Tibet occidental. La capitale était Khyunglung dngul-mkhar à l'Ouest du Mont Kailash (tib. Ti-se), et qu'au 7ème siècle il y avait un roi nommé Lig-myi-rhya. L'une de ses épouses, Sad-mar-kar, était une soeur du roi Srong-btsan sgam-po (mort en 649). Le pays fut annexé au Tibet par ce roi.


D.L. SNELLGROVE précise que les annales royales mentionnent quelques révoltes du Zhangzhung entre cette alliance matrimoniale et l'assimilation définitive au Grand Tibet. Dans l’organisation du Tibet en 5 districts et zones militaires parachevée, après la mort de Srong-brtsan sgam-po, par son influent ministre mGar sï'onq-rtsan Yul-zung (mort en 667), le Zhangzhung n'était pas l'un des 5 districts, mais une zone militaire, divisée en Haut- et Bas- Zhangzhung. Il embrassait ainsi toute la partie Ouest et Nord-ouest du Tibet, sans doute jusqu'à la chaîne des Kun-lun, sans que l'on puisse juger de son véritable contrôle sur ces lointaines frontières.
Quellles qu'en aient été les limites effectives, l'ancien Zhangzhung était assurément frontalier avec le Nord-Ouest de l'Inde et des routes de montagne qui partaient de là vers Khotan et toute l'étendue désertique du Takla Makan. Le Zhangzhung tenait donc un rôle stratégique dans la conquête (660- 680) des oasis de Kashgar, Khotan et Kucha, par le ministre mGar relayé par son fils. Au cours de ces campagnes, le Tibet occupait le Gilgit (Petit Bolor) et le Baltistan (Grand Bolor). Dans cette direction aucune route nouvelle n'avait été ajoutée à celle empruntée par le pèlerin chinois Hiuan-tsong (vers 650) et l'on peut croire à juste titre que le royaume du Zhang-zhung avait maintenu des relations, au moins commerciales, avec leurs voisins de l'Ouest à travers les montagnes, bien avant que les Tibétains n'occupent leur pays. Seuls des gens du Zhang-zhung ont pu fournir porteurs et guides commis d'office à l'armée tibétaine pour ses conquêtes occidentales.


Plus tard, après son annexion et malgré sa progressive assimilation au Tibet, le Zhangzhung a continué à jouer ce rôle de porte ouverte sur le Tazig (Iran), Bru-sha (Gilgit), Li (Khotan) et autres pays d'Asie centrale. Il a largement contribué, reprend G. URAY, au développement culturel (et non militaire, cette fois) du jeune Tibet. Simultanément, la langue du Zhangzhung, sa culture, et sans doute sa religion, ont été intégrées à celles du Tibet. La déité centrale vénerée par le peuple du Zhangzhung était le sku hla (= corps divin) Ge-khod résidant au Mont Ti-se. Le maître bonpo le plus réputé, Dran-pa nam-mkha' est censé être né à Khyung-lung dngul-mkhar au 8ème siècle.

Jusju'à récemment, des tibétologues étaient induits en erreur par les historiens dGe-lugs-pa , identifiant geographiquement le Gu-ge au Zhang-zhung, alors qu'il n'en était qu'une partie ou un petit état rattachées. Sans doute la confusion est-elle liée au fait qu'une réunification des myriarchies du Tibet de l'Ouest conquises vers 930 par l'arrière-petit-fils de gLang-dar-ma, a éte suivie du découpage de ce royaume du mNga'-ris en 3 districts entre les 3 fils, puis, au degré suivant, comme il n'y avait que 2 descendants, l'un d'eux, le futur moine Ye-shes 'Od, réunit sous son règne (975) Guge et Pu-hrangs tandis que l'autre héritait du Mar-yul (Ladakh) et assura seul ensuite (son frère, devenu moine, lui ayant légué ses pouvoirs) la descendance de la dynastie dite ''des rois de Gu-Ge''.


Parallèlement à ces aménagements politiques successifs, la région Ouest, d'affinité bonpo traditionnement, parvient à faire renaître de ses cendres le bouddhisme tibétain. R. Vitali , enchaîne qu'au temps de Ngag.dbang grags.pa, disciple de Tsong.kha.pa (au début du 15ème siècle), Gu.ge connut une troisièmes éclosion rayonnante de la culture bouddhiste. La première que connurent les terres du sTod, incorporées de force au royaume du Yar.lung, une fois pour toute, au milieu du 7ème siècle siècle, fut en fait la seconde diffusion du bouddhisme au Tibet : le bstan.pa phyi.dar, suite à la fondation de la dynastie du mNgaLris skor.gsum (''les 3 districts de Ngari") par sKyid.lde Nyi.ma.mgon au 10ème siècle. La deuxième renaissance coïncidait avec l'apogée des bKa.'brgyud.pa-s (fin 12ème -début 13ème siècle.), dont les érudits étaient surtout actifs dans les régions de Ti.se et Pu-hang.

Comme les chercheurs sans doute, nous avons été interpelés par le fait que les Bonpos situent le berceau de leurs enseignements au royaume de Zhangzhung. Est-ce là pure réalité ou simple tentative fédératrice? Pour le savoir, il faut commencer par déterminer ce que recouvre le Bon, puis remonter à sa source en étudiant les indices parvenus jusqu'à nous : chroniques anciennes, indigènes et si possible des pays de contact, récits de voyageurs, chroniques tardives plus partiales (bonpos / bouddhistes) mythes et légendes oraux ou écrits, observations ou lectures comparées de : rituels, de coutumes, généalogies et migrations des clans, recherches étymologiques et sémantiques, analyse des styles artistiques, archéologie... Forcément, à travers l'étude des différentes influences qui sont entrées dans la composition des croyances Bon, nous approcherons les peuples qui s'y sont investis, les ont véhiculées. Évidemment, nous ne pourrons pas en déduire que ces peuples aient tous habités le pays d'origine de cette religion, ni simultanément dans l'espace, ni successivement dans le temps. Or les recherches archéologiques menées au Zhangzhung sont récentes et la datation des vestiges trop imprécise pour qu'on puisse les attribuer à un peuple ou une succession de peuples. Il faut donc trouver un autre facteur discriminant (qui sera bien sûr confronté à d'autres). Par défaut, le plus adéquat semble être la langue. Après avoir évoqué l'état des recherches sur l'origine du Bon, les contacts avec des peuples limitrophes, et la langue du Zhangzhung, nous nous interrogerons plus personnellement sur son étendue géographique.

La longue histoire du Zhangzhung et du Bon

A. Une terminologie problématique G. URAY explique que le verbe tibétain bon signifie ''implorer, supplier, murmurer, psalmodier, invoquer, appeler et que le terme bon-no (''marmonneur") désignait à l'origine une sorte de chaman. D.L. SNELLGROVE nous informe que le terme tibétain "bon" était initialement une traduction de l'équivalent zhangzhung "gyer", mais "gyer" a aussi un sens en tibétain : celui de ''chant''. Dans certains documents de Dunhuang et des Bonpo, le terme bon est souvent employé dans un sens commun : "exprimer". Mais il regrette, tout comme R.A. STEIN de ne pouvoir en donner une définition générale et systématique, eu égard à la variabilité des emplois en fonction du contexte. A.CHAYET précise qu'avant 1027, le terme "bon" désignait un ministre du culte dont on ne sait pratiquement rien. A partir du 13-14ème siècle, le terme a été assigné à la religion organisée du Bon.

Concernant ces fameux ministres du culte, ou plus précisément la relation entre le Bon et le culte funéraire royal, A. MAC DONALD propose que le Bon était seulement une composante d'une "religion royale" systématisée (gcug), délibérément embrouillée par les historiens bouddhistes tibétains. Rejetant cette thèse, R.A. STEIN analyse le contexte des occurrences du mot ''gcud' dans les sources anciennes, mettant en exergue, entre autres tenants de l'époque, l'influence de la cosmologie chinoise sur les tournures religieuses tibétaines. Allant au bout de sa pensée, R.A.STEIN analyse ailleurs les références de Dunhuang aux épithètes "bon" et "gcen", il démontre une continuité entre les textes "bon" de la période ancienne et ceux du Bon ''systématisé'' tardif. Il se range ainsi aux côtés de S.G. KARMAY et N.N. DAGKAR qui démontre la continuité entre le Bon d'avant, d'après et pendant les 10-11ème siècles, phases qu'il prétend avec D. Martin: modelées par la littérature polémique des Bouddhistes.

N.N. DAGKAR s'oppose cependant à R.A. STEIN, dans une deuxième assertion où il identifie le Bon à la religion pré-bouddhiste du Tibet. Tandis que R.A. STEIN continue d'isoler le Bon de la religion pré-bouddhiste du Tibet qu'il qualifie de ''religion sans nom'' (pratique populaire et localisée), tout comme G. TUCCI distinguait le Bon de la religion ''populaire'' au Tibet. Toutefois, la nature hétérogène et non chronologique lesdites pratiques populaires, trahit la difficile adéquation des éléments-clés de la foi tibétaine (non le moins ceux liés aux montagnes) avec de telles catégories, même si les Tibétains séparent aussi "lha-chos", "la religion des dieux'' (Bon, et/ou Bouddhisme, de "mi-chos", ''la religion des hommes'' (populaire ou sans nom). Une alternative à ces concepts, quoiqu'un peu déroutante et plurivoque, est la notion de ''pratiques chamaniques'', selon la modélisation théorique de la société tibétaine par G. SAMUEL .

Enfin, R.A. STEIN souligne, comme P. KVAERNE, la plurivalence des termes anciens, qui requiert encore une analyse approfondie.
Ces problèmes de terminologie ne sont pas anodins puisqu'ils posent notamment le problème de l'identification du Bon en tant que religion face au bouddhisme dans la controverse de Samye et la ...

Sunday, August 20, 2006

...persécution qui s'ensuivit. Le terme "Bon" appliqué à la religion non encore systématisée demeure problématique, et un tel usage simplificateur doit être contextualisé. Malheureusement, le terme adéquat a vu son sens glisser : D.L. SNELLGROVE nous apprend qu'avant de désigner la religion bouddhiste, le terme "chos" référait clairement, encore dans les inscriptions royales au 8ème et 9ème siècles, à la religion pré-bouddhiste du Tibet.
B. Diverses sensibilités des chercheurs quant à la nature originelle du "Bon"
Le récent afflux de recherches (ct. P. KVAERNE, S.G. KARMAY, et D. MARTIN) sur le "Bon" a permis d'affûter la compréhension de son propre système de croyances et de ses liens avec le système bouddhiste, même si ses origines demeurent sujettes à controverse.
Selon P. KVAERNE, grand spécialiste occidental du "Bon", il est nécessaire de voir le "Bon" comme une religion distincte, la prétention des Bonpos à être distingués étant justifiée par leur histoire sacrée et des sources religieuses qui font autorité.
Le vaste champ d'investigation que s'octroie S.G. KARMAY dans l'Histoire et la culture tibétaine, fait de lui un chercheur, tibétain et bonpo (formé traditionnellement dans les monastères bonpos et bouddhiques de l'Amdo et du Tibet central), travaillant dans les règles académiques de la méthodologie occidentale (ancien directeur de recherche au CNRS). Relevant au passage quelques arguments valables chez les ''nativistes'', l'oeuvre de S.G. KARMAY insiste sur l'importance d'une compréhension des rituels locaux et sur la mesure dans laquelle les sources suggèrent que le Bon ancien était bien une tradition cohérente, dont certains éléments sont passés au "Bon" tardif ''systématisé''.
Des chercheurs plus engagés dans une vague "nativiste" (Cf. N. NORBU et J. BELLEZZA) à l'encontre de D.L. SNELLGROVE, comprennent le "Bon" comme une tradition indigène, affirmant et légitimant l'identité singulière du Tibet et de sa culture, qu'ils cherchent à restituer en évinçant l'impact hégémonique du bouddhisme. Pour eux, le "Bon" symbolise l'ère de la puissance impériale du Tibet qui dominait l'Asie centrale, culminant à la prise (certes éphémère) de la capitale chinoise en 763. Le bouddhisme serait alors une incursion tardive qui aurait affaibli la vigueur guerrière et nationaliste du Tibet.
En revanche l'hypothèse de D.L. SNELLGROVE, les similitudes entre "Bon" et bouddhisme s'expliqueraient par une source commune à ces deux fois. Le "Bon" ancien ne serait qu'une forme de bouddhisme, introduit au Zhang-zhung depuis l'Asie centrale avant de l'être à la Cour du Yarlung. Toutefois sa théorie, largement suivie, repose sur une preuve indirecte qui laisse la porte ouverte à d'autres interprétations sur l'origine du "Bon".
Par exemple celle de N. NORBU, ancien professeur à l'université de Naples, envisage le "Bon" en tant que système de croyances originel du peuple tibétain; système bien distinct, malgré quelque chevauchement, des traditions pré-bouddhistes révélées dans les manuscrits de Dunhuang. Pour N. NORBU, les "Bon" étaient ces spécialistes en divination des causes et remèdes aux troubles de l'harmonie naturelle entre monde et individu. Il montre que le gouvernement de l'ancien Tibet reposait sur les ''drung, deu and Bon'' (i.e; "narrations sacrées et profanes, langages symboliques et "Bon") qui le protégeaient. Cette tradition qui inclut le culte des montagnes, mais n'en tire pas son origine, trouverait ses principes fondateurs, non dans les canons, mais plutôt à travers les mythes que racontent les anciens textes rituels en préambule des rites et qui en garantissent l'efficacité. Pour N. NORBU, le "Bon" est une tradition indigène authentique, mais indigène au Zhang-zhung et transmise pour devenir celle du ''Tibet du Yarlung'', qui en est donc le tributaire. Comme d'autres ''nativistes'' (Cf. N.N. DAGKAR), il interprète les textes qui font naître le "Bon" en des lieux apparemment mythiques, tels 'Ol-mo-lung-ring (ou) au Ta-zig (communément assimilé à la Perse, bien qu'il puisse désigner des régions entre perse et zhangzhung ) en arguant de l'existence réelle de ce(s) lieu(x) au sein du Zhang-zhung, ou plus spécifiquement de la région du Mont Kailash.
S.G. KARMAY, resserre encore l'étau, démontrant géographiquement, à travers les textes l'identification d' 'Ol-mo-lung-ring au Mont Kailash (alias Ti-se ou Mt g.Yung-drung dgu-brtsegs = "Pile de 9 svastikas"). Ti-se existe bel et bien. C'est le centre le plus important du Zhangzhung qui est, selon certaines traditions, la source du "Bon", ou tout au moins de croyances similaires. Ti-se n'a pas échappé au culte pré-bouddhique des montagnes, G. TUCCI suggère que les divinités associés au cycle annuel auraient donné leur nom générique ''Se'' à la montagne. "Ti" signifie incidemment ''eau'', en Kinnauri..., et, dans bien d'autres langues tibéto-birmanes, ajoute G. van DRIEM : en Byangsi, en Manchad, etc., mais en zhangzhung : eau=ting. Notons qu'autour du Mont Ti-se partent de grands fleuves ou leurs confluents (Sutlej, Indus, Gogra). G. TUCCI relève aussi le terme "the-se" qui désigne une divinité aborigène sur laquelle se sont greffées plus tard des notions astrologiques. Le dieu a pu être ensuite identifié au Mont Ti-se, et recevoir des sacrifices animaux. S.G. KARMAY, passant de l'aspect réel (Ti-se), à l'aspect spirituel, conclut que le coeur légendaire du "Bon", 'Ol-mo Iung-ring, a été mythifié pour satisfaire les croyants, avides d'extraordinaire, (A SUIVRE)

Thursday, June 08, 2006

DONGBA survivances du chamanisme Bön



Le dongba est la religion de l’ethnie Naxi d’origine tibétaine qui vit dans le Yunnan chinois principalement dans les préfectures de Lijiang, Weixi, Zhongdian, Ninglang et Yongsheng. Le culte possède beaucoup de caractéristiques de la religion tibétaine Bönpo.

La vidéo de la " danse du tigre " interprétée par le prêtre dongba montre plusieurs points communs avec la religion Bön. En plus du nom " Dongba ", qui rappelle le nom du révélateur de la religion des bönpo " Tonpa Shérab ", le danseur utilise l’instrument musical plat caractéristique du Bön, le gsan-chun. Le chapeau, bon-zva, est similaire à celui des chamans bönpo. Les moines du Yungdrung Bön ont des coiffes différentes.


Des lamaïstes à la solde de l’Amérique " oublient " certaines réalités. Les chinois n’ont pas persécutés les adeptes du culte Dongba. A l’inverse, les guélougpa au pouvoir dans l’ancien Tibet pratiquaient une politique de conversion forcée à l’égard des bönpo. Des prédicateurs de l’école du dalaï-lama étaient de véritables fanatiques

LIRE "Intégrisme religieux au Tibet"…

Tuesday, May 09, 2006

Mégalomanie immobilière





Les lamas bönpos rejoignent à leur tour le club des gourous châtelains. 

" C’est une constante, écrit Gilles Gaetner, la plupart des sectes investissent dans la pierre, en achetant châteaux, manoirs et autres gentilhommières. Destinés à accueillir les adeptes, ils permettent également aux dirigeants d'y vivre luxueusement. "

La mise en garde de l’annuaire du bouddhisme http://www.geocities.com/Athens/8063/html/centres.htm corrobore les nombreuses déviances du lamaïsme dénoncées par bouddhanar :


" Cette mise en garde a le don d'énerver un certain nombre de néo-bouddhistes d'esprit moderne mais en aucun cas nous ne supprimerons cet avertissement. Toutes les religions sont actuellement dégradées et le bouddhisme n'échappe pas à la règle. On se doit d'être prudent et même très exigeant en fait d'honnêteté intellectuelle. Renoncer à cette exigence serait faire le jeu des groupes de pression antisectaires qui visent, à terme, la destruction de toutes les religions encore valides sous prétexte qu'il s'agirait de "sectes"...

L'implantation du bouddhisme tibétain en Europe et dans le "Nouveau Monde" étant en partie la conséquence d'une crise spirituelle qui s'est exprimée entr'autres manifestations dans les courants "hippie" et "baba cool" (tout cela ayant été refondu dans le grande soupe de la mentalité dite new age), il fallait s'attendre à bien des confusions et des "ratés" au départ de la vie des centres. Avec le temps, certaines erreurs se sont atténuées mais sans vraiment disparaître complètement puisque le public a toujours beaucoup de mal à admettre que le bouddhisme n'est pas une méthode de développement personnel mais, avant toute chose, une voie de salut et de délivrance, c'est-à-dire ce que l'on appelle en fait une "religion" ou, dans certains cas, une voie initiatique à part entière.

Certains centres ont souffert de détournements et de scandales divers. Ces choses là se sont tassées mais nous tenons à rappeler que les conditions qui ont amené ces désordres, souvent par manque de transparence, n'ont pas été entièrement éliminées: bien des points touchant à l'organisation des centres, à leur gestion et à leur encadrement, demeurent assez discutables. En règle générale, les grands centres souffrent d'une certaine mégalomanie immobilière ancienne. Avant la fameuse crise, du côté des centres kagyupas surtout, l'argent des dons coulait à flot, il a été souvent mal employé et les centres subissent maintenant le contrecoup de leur folle politique et sont terriblement endettés. Cela provient entr'autre du fait que l'on a trop usé, et même abusé, du crédit excessif accordé par les médias au néo-bouddhisme occidental.

Nous avons, en ce qui concerne plus spécialement l'Institut Karma Ling, des reproches particuliers à faire à ses responsables qui ont manifestement tablé sur le crédit de René Guénon et de son oeuvre monumentale pour attirer à eux une clientèle plus intellectuelle sans jamais développer la rigueur qu'un tel patronnage aurait du impliquer. Les échos de certaines polémiques figurent ici pour mémoire et nous n'y attachons pas d'importance excessive car la roue tourne... "


On a aussi relevé que des lamas tibétains de la Nouvelle Tradition Kadampa préfèrent le luxe d’une demeure seigneuriale au mode de vie du philosophe SDF nommé Siddharta Gautama, dit le Bouddha.

De leur côté, les lamas Bönpo sont confortablement installés dans le château de la Modtais, à côté de Blou, Maine et Loire (photo ci-dessus).


Marc Bosche écrit :

" Vous avez raison de souligner l'obsession immobilière de
certains lamas. Puisqu'en réalité être bouddhiste ne nécessite aucun domaine, nul château, méditer peut se faire sur son lit ou ailleurs, n'importe où pourvu qu'on soit dans un lieu sain, isolé et tranquille, et la pratique elle-même n'a besoin ni de grands chapiteau, ni de temples, ni de centres du dharma à l'architecture choisie. Au contraire ces centres grouillant de touristes spirituels (qu'ils me pardonnent de les appeler ainsi) doivent être des divertissements sans fin pour ceux qui voudraient y méditer. Et en plus l'architecture médiévale des châteaux est pleine d'humidité, de salles immenses, trop hautes, et de courants d'air. Elle ne convient pas, en tout cas pas mieux qu'une modeste HLM dans un quartier tranquille, avec quelques arbres autour et une petite pelouse devant."

La mégalomanie de certains hiérarques bouddhistes surprend par son côté ubuesque et tellement contraire à l’enseignement du Bouddha. Dans son roman " Nirvana, le réveil des oiseaux ", Marc Bosche dépeint une cinglante leçon d’humilité donnée par le dalaï-lama (" daïla lama ", dans le roman) à un Vajracarya occidental trop outrecuidant, nommé " lama Tchenrézys ".

" Le daïla lama était connu pour sa fermeté. Il n’hésitait jamais à remettre en place les ego hypertrophiés des " maîtres ". Parmi ces derniers, certains, imprudents, aimaient à " parader " en public, profitant même de la célébrité du daïla lama pour briller de tous leurs feux…

" A cet égard, la première des deux visites fut pour lama Tchenrézys, Abbé occidental d’un autre monastère himalayen, établi lui aussi en Europe. Notre Tchenrézys s’était un peu pris au jeu de la notoriété, avec quelques belles " réussites " d’ailleurs ! Il avait fait réaliser par un bijoutier une grosse chevalière ressemblant à celle des évêques, qu’il arborait dignement à son doigt – car il avait désormais le statut qu’ont aussi ces prélats catholiques.
" Pour préparer l’apparition en public du daïla lama, lama Tchenrézys avait obtenu, du musée de sa région, le prêt de deux superbes fauteuils haute époque, sur lesquels il se proposait tout à la fois d ‘asseoir le daïla lama et lui-même, à égalité en quelque sorte, pour un moment prestigieux en public ! Mais le daïla lama ne l’entendit pas de cette oreille. Mis sur l’estrade, face au public rassemblé, devant le fait accompli, il refusa l’élégance aristocratique des vastes fauteuils ancien régime. Il demanda à la place deux simples coussins qu’il fit poser sur le champ, à même les planches, pour lui et son hôte Tchenrézys…

" Après ce camouflé, une petite réunion fort animée avec les bénévoles de cette communauté occidentale s’ensuivit. Le daïla lama y expliqua aux bonnes volontés qu’il ne fallait se confier qu’à un maître véritablement réalisé… Chacun comprit à demi-mot, et le centre bouddhiste se vida en quelques jours de ses bénévoles.

" Ils laissèrent donc le fringant Tchenrézys, Supérieur nouvellement promu à ce statut officiel, tout désemparé dans son abbaye médiévale récemment rénovée en congrégation religieuse.

" Tchenrézys réalisa ainsi qu’il était allé trop loin. Il fit le nécessaire, suite à la visite du daïla lama, pour retrouver la simplicité… "


NIRVANA, le réveil des oiseaux

Sans se départir d’un humour irrésistible, la narration imaginaire de Marc Bosche semble s’inspirer d’expériences profondes, d’un vécu initiatique. " Niravana, le réveil des oiseaux " serait-il un roman à clé ?

Le lecteur découvre, sur un fond de lamaïsme perverti, des récits d’Expérience de Mort Imminente (EMI), des procédés occultes, les antiques techniques du rêve éveillé dirigé, connues de toutes les sociétés traditionnelles, des présences subtiles et prédatrices. Marc Bosche révèle une partie méconnue du bouddhisme tantrique.

La présence bienveillante de Gondor, probablement le vieux sage himalayen que l’auteur a bien connu, et du daïla lama symbolise dans le roman le côté lumineux du Vajarayana. Le livre s’articule autour d’une terrifiante énigme. La mort rode autour des ermitages tantriques, le côté obscur du Vajrayana a-t-il été déchaîné ?

" Nirvana, le réveil des oiseaux " est un thriller drôle, passionnant et quelque peu initiatique.

L’initiation authentique permet de triompher de l’effrayant gardien du seuil et des influences de l’inframonde. En revanche, le spiritualisme contemporain édulcoré et tronqué, qui commercialise le tantrisme himalayen, pourrait précipiter des imprudents dans les ténèbres de la " contre-tradition ", selon une expression de René Guénon.