Wednesday, March 15, 2006

THREE 1/2 WEEKS



Les mortifications d’une retraite d’été

" Nous t’attendons à Vimoutiers pour la retraite d’été." Il m'est difficile de refuser une nouvelle fois l’invitation de Sébastien, l’un des membres du conseil d'administration de l’association Yungdrung bön.

Cette année, les adeptes du Bön, entichés de spiritualité orientale et de Dzogchen du Zhang Zhung, se retrouvent en Normandie pour leur retraite annuelle que dirige un vieux lama tibétain, ami du célèbre tibétologue anglais David Snellgrove. L’attachement aux divinations de ce célèbre maître de la Grande Perfection (Dzogchen) m’a toujours étonné. Les adeptes des rituels magiques du tantrisme tibétain sont incapables de s’affranchir des pratiques divinatoires. Mais cette dépendance est-elle concevable de la part d’un lama qui prétend que son enseignement égale les plus grandes traditions de la non-dualité ? Le vieux tibétain, superstitieux comme les rombières qui fréquentent le salon de Madame Roselyne, la cartomancienne de la rue Sainte Radegonde, n’est certainement pas un Eveillé. Je le croyais simplement gentil et sage. En fait, il n’est ni l’un ni l’autre.

J’ai séjourné dans de nombreuses congrégations religieuses d’Asie. Au Viêt-nam, des religieux ont défié la police communiste au prix de leur liberté pour m’offrir le gîte et le couvert. L’emprisonnement punit les abbés qui offrent l’hospitalité aux moines étrangers. Les véritables bouddhistes de ce pays sont exemplaires. Les moines du Cambodge, de Birmanie, de Thaïlande, de Taiwan et d’ailleurs sont également affables et accueillants. Ils respectent l’étiquette et la solidarité monastiques à l'égard du moine voyageur.

Sébastien m’installe dans le pavillon normand réservé au clergé. Le comportement du vieux tibétain et de ses deux acolytes, des lamas Khampa, est très différent de celui des religieux des congrégations orientales qui m’ont accueilli jusqu'à présent.
Dès le lendemain, premier jour de la retraite, l’hostilité des lamas tibétains éclate. La personne chargée de préparer le thé des moines a reçu la consigne de m’ignorer. Des laïques pallient spontanément la mesquinerie des lamas et partagent avec moi le contenu de leurs thermos. Cette discrimination ne passe pas inaperçue et les tibétains ne prennent pas le risque de trahir la nature de leur cléricalisme. Nature qui sera révélée plus tard dans les textes de Victor et Victoria Trimondi, le témoignage de Christian Pose, les recherches de Marc Bosche… Le clan des lamas tibétains évite désormais les vexations publiques. Toutefois, dans l’espace privé du pavillon de "Rinpoché", je découvre l'univers de ces religieux égoïstes, préoccupés par leur business. Ils sont venus du Népal avec une quantité impressionnante de statues et d’objets rituels dont la vente représente une somme importante. Ils se font servir des repas gastronomiques sans jamais partager un bout de pain avec moi. Le vieux gourou a interdit que l’on me donne des repas. Je me suis débrouillé pour acheter de la nourriture végétarienne que je mange froide. Les cuisiniers des lamas s’activent dans un autre pavillon avec tous les ustensiles de cuisine. Il m’est impossible de préparer le moindre plat chaud. Pendant que mes collègues dévorent des viandes fumantes, je me contente de mes fruits et légumes en songeant à la bienveillance des tudong, ermites nomades de Thaïlande. Je me demande, quel genre de Bouddha était Shenrab Miwo, le fondateur du Yungdrung Bön ? Je dois admettre que les disciples du Bouddha Siddhârta Gautama sont moins rustres que ces lamas carnivores, comparés à des ogres par le roi YESHE ÖD . L’animosité de la garde rapprochée du gourou est difficilement supportable. Quotidiennement, les prétoriens fanatiques font preuve d’une rare mesquinerie. Des dames hystériques écument devant mon opiniâtreté à demeurer auprès de leur idole. On m’accuse de tout. Faire sécher mon châle religieux dans la salle de bains que je partage avec le divin gourou est un sacrilège. Je suis traité en véritable paria.

Heureusement, les ermites théravadins m’avaient donné de bonnes instructions en matière de patience. A mon grand étonnement, j’encaisse assez bien mon immersion dans une vulgaire secte d’occidentaux subjugués par le boniment de tibétains sans scrupules. En réalité, le fruit de l’enseignement de ces lamas est pourri. Il répand l’odeur nauséabonde du sectarisme.

Le culte du gourou et le ritualisme hypnotique transforment beaucoup d’occidentaux en inquiétants béni-oui-oui. Leur complaisance à l’égard de la violence des lamas m’avait beaucoup déçu. (Lors de mon séjour au monastère de Menri, des adeptes danois et anglais du rite du Chöd étaient présents et indifférents quand deux enfants furent victimes de châtiments corporels.) Les disciples les plus déséquilibrés sont capables de participer au djihad tantrique si un gourou du même acabit que Shoko Asahara décide de déclencher la guerre sainte de Shambhala .

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